Introduction
1) Sous-unité des Mornes des hauteurs du Diamant et des Trois-Îlets
2) Sous-unité de la vallée de la Rivière de la Pagerie, du Morne d’Orange, du Morne La Plaine, du Morne Burgot
3) Sous-unité des mornes littoraux secs de l’extrémité nord ouest de la presqu’île
4) Sous-unité des mornes littoraux centraux : Réduit-Masson, Mathurin, Vent, Genty
5) Sous-unité du Morne Larcher et du Morne Clochette
6) Sous-unité de la coulée verte Morne Bois Michel, Joubardière, Citadelle, Bonne Terre
Les prospections botaniques approfondies (mais aussi les prospections faunistiques) menées depuis 15 ans dans la Presqu’île du sud-ouest (et destinées à se poursuivre encore pendant un certain nombre d’années car le sujet est loin d’être épuisé) témoignent de la très haute qualité globale de tout cet espace :
1) très grande qualité paysagère avec une très importante variété de reliefs, de sites, de perspectives, et, puisqu’il s’agit essentiellement de forêts, de paysages de sous-bois, de types de végétation et même de monuments géologiques intra forestiers (quelques zones assez fabuleuses - et méritant d’être aménagées - de sites d’énormes blocs andésitiques et de rillenkarren envahis d’une profusion spectaculaire plantes épilithes.
2) richesse tout à fait exceptionnelle de la flore arborée forestière autochtone qui, selon nos derniers décomptes, comptent environ 220 espèces arborées autochtones ou vraisemblablement autochtones et 10 espèces allochtones ou exotiques pleinement naturalisées. Sur ces 220 espèces arborées autochtones 1 est endémique stricte de Martinique, environ 24 sont endémiques des Petites Antilles dont la Martinique et 33 endémiques des Antilles dans leur ensemble (Grandes Antilles plus Petites Antilles), soit un total de 58 espèces. Un chiffre élevé pour les espèces de la zone mésophile ou sempervirente saisonnière tropicale qui compte, dans les Antilles, beaucoup moins d’endémisme que la zone de montagne entre 500 et 1500 m.
A titre de comparaison la flore arborée hygrophile de basse montagne et de montagne du nord de la Martinique s’élève à environ 190 espèces. La flore arborée indigène de la presqu’île du sud-ouest contient plus d’espèces d’arbres que toute la forêt hygrophile du nord de la Martinique et presque 3 fois plus d’espèces arborées indigènes que l’ensemble du territoire métropolitain français (74 selon un site du Ministère de l’Agriculture) pour un territoire 500 fois plus petit.
3) très grandes possibilités de randonnées, largement sous-exploitées et surtout sous organisées, de plus et sans vue systémique et d’ensemble des itinéraires et combinaisons d’itinéraires possibles. Ajoutons aussi qu’au regard de ce qui est fait ailleurs, en particulier à la Réunion, la signalétique et les possibilités d’hébergement in situ, c’est-à-dire en plein milieu naturel (le vrai randonneur ne randonne pas pour retrouver chaque soir la pollution urbaine, le bruit et le stress) sont extrêmement déficientes. C’est là un ensemble de faits très regrettables car la diversité des milieux et la puissance de la végétation et de la forêt tropicale sont très supérieurs en Martinique.
4) enfin et surtout, car ce n’est pas le moindre des intérêts de la presqu’île du sud ouest, du moins du point de vue scientifique, celle-ci recèle aujourd’hui encore des possibilités de découvertes importantes et stimulantes dans de nombreux domaines. En botanique des espèces potentiellement nouvelles pour la Martinique et peut-être même pour la planète ont été découvertes au cours des dernières années de prospections : 2 espèces nouvelles potentielles pour les arbres forestiers selon l’auteur : 1 Clusia sp. et 1 Micropholis ? sp. ; 4 Orchidées nouvelles potentielles selon Courtinard (2015) : Campylocentrum sp. n° 1, Campylocentrum sp. n°2, Malaxis sp. n°1 et Malaxis sp. n°2 . Dans le domaine des Champignons supérieurs la forêt mésophile martiniquaise est exceptionnellement riche en espèces et la presqu’île recèle par conséquent un très important potentiel à ce jour totalement sous étudié. Enfin, l’entomofaune de cette région, selon nos amis spécialistes, est particulièrement intéressante, même dans des zones aussi arides que le Cap Salomon.
La presqu’île du sud ouest de la Martinique forme, à l’ouest de la région de Rivière-Salée et sur une longueur de 15 km, une avancée complexe d’anciens volcans et de mornes élevés, globalement orientés selon un axe est ouest. Culminant entre 400 et 500 m d’altitude pour la plupart d’entre eux, ils présentent, dans leur région sommitale, des conditions bioclimatiques et des unités végétales sensiblement différentes de celles qui règnent sur leur partie littorale chaude et sèche.
De ces reliefs extrêmement variés, caractérisés souvent par des pentes fortement déclives et quelquefois des falaises, par de nombreuses petites
vallées et ravines confinées, naît une pluralité de microclimats et de micro milieux qui s’inscrivent eux-mêmes dans un climat général de plus en plus sec au fur et à mesure qu’on s’approche du littoral très aride du cap Salomon. A tout cela s’ajoute le caractère, fortement inégal selon les secteurs, de l’impact de l’activité humaine ancienne et actuelle sur la végétation. En effet, en dépit d’une intense activité agricole passée, un nombre non négligeable de secteurs d’accès très difficile, ou bien trop secs ou trop rocheux pour permettre des cultures rentables, ont localement échappé aux défrichements intensifs. Depuis la forte déprise agricole survenue dans la presqu’île dès les années 1950 ces îlots forestiers relictuels ont été le point de départ d’une reforestation générale de cette dernière.
Des conditions générales d’ordre topographique, bioclimatique et historique évoquées ci-dessus, naît un milieu complexe, diversifié et contrasté formé d’un nombre important d’unités végétales et écologiques distinctes. Grâce à un intense travail de prospection forestière et botanique commencé dans les années 1989 par l’équipe ZNIEFF d’alors et complété ultérieurement au cours des 15 dernières années écoulées par l’auteur de ces lignes et ses accompagnateurs (plus de 30 aires de relevés réalisés sur les deux périodes), l’aire forestière de la presqu’île compte à ce jour 9 ZNIEFF achevées et plusieurs fois revisitées.
Ces ZNIEFF, dont chacune traduit un aspect de la riche biodiversité végétale et animale de la presqu’île, sont les suivantes :
01 Morne Gardier et Morne du Riz
06 Cap Salomon, Morne Réduit, Anse Dufour
019 La Bertrand
021 Morne des Pères
027 versant ouest des Mornes Vent, Morne Genty
032 Morne Bigot, Morne Léone
035 Morne Larcher
042 Morne Jacqueline
045 Gros Morne de Gallochat
A ces 9 ZNIEFF réalisées il faut ajouter 3 ZNIEFF projetées et jamais commencées, mais essentielles, car elles sont les plus riches en espèces caractéristiques de l’ancien climat :
L’ensemble de ces ZNIEFF est actuellement globalement regroupé à l’intérieur du périmètre de la future APB de la presqu’île du sud ouest en cours de finalisation par les services de la DEAL.
Plusieurs de ces 12 ZNIEFF, bien que possédant chacune son originalité et son intérêt propres, présentent des conditions bioclimatiques et topographiques proches ainsi qu’un passé agricole plus ou moins similaire, et peuvent donc être ramenées à une même sous-unité écologique et descriptive. En procédant de cette manière il est possible de délimiter 6 sous-unités topographiques et écologiques de la partie boisée de la presqu’île, et de rendre ainsi plus claire et plus lisible son analyse biogéographique et paysagère sans nuire en rien à la précision de la description et de l’analyse.
Ces 6 sous-unités peuvent être les suivantes :
Cette sous-unité, qui englobe les versants moyens et supérieurs des Mornes des Pères, Constant, Gardier, du Riz et Fournerey se caractérise par sa remarquable homogénéité topographique, morphologique et écologique. Elle est constituée d’un linéaire de crêtes d’altitude similaire (autour de 400 m d’altitude), orienté est-ouest et présentant deux versants fortement contrastés.
Le versant nord est, abrupt ou à très forte déclivité au dessus de 200-250 m d’altitude, humide, entaillé de plusieurs ravines étroites et confinées (Ravine Pavée, Ravine Thoraille, Ravine Caverne, Ravine Caïmit) propices aux inversions de végétation.
L’analyse de la végétation, celle des cartes et des photographies anciennes, révèle que sur ce versant et au dessus de 250-300 m d’altitude, la forêt a certes été endommagée, peut-être même fortement, mais n’a jamais été coupée à blanc.
Le versant sud par contre est de pente beaucoup plus douce, surtout vers le haut des mornes. Il se montre plus chaud, plus sec, davantage habité, et a été défriché et cultivé très haut dans le passé, sauf entre le Morne Gardier et le Morne du Riz où la coupe à blanc de la forêt primitive semble ne pas avoir dépassé la courbe des 300 m.
En effet, la présence massive de gros et vieux Balatas : Manilkara bidentata à partir de ce niveau est inexplicable si l’on suppose une coupe à blanc totale de ces arbres sur tout le secteur en question et jusqu’à la ligne de crête. Cette essence produit des fruits relativement lourds et donc à faible potentialité de dispersion et des régénérations qui ne peuvent survivre que sous une ombre dense.
Dans ces conditions et en partant d’un sol nu, un retour à un stade terminal de la forêt est presque impossible, exige plusieurs siècles, sans doute au moins deux ou trois et une cessation de toute dégradation anthropique sur toute la durée ultérieure de la reconstruction. On voit donc mal comment, dans l’hypothèse d’une coupe à blanc totale, même très ancienne, une aussi belle forêt de Balatas pourrait exister aujourd’hui dans ce secteur. En outre, plusieurs autres espèces arborées de stade final de la dynamique forestière accompagnent aussi les Balatas : Myrcianthes fragrans, (Bois pelé), Hymenaea courbaril (Courbaril), Syagrus amara (Palmier petit coco), Guarea glabra (Bois pistolet), Oxandra laurifolia (Bois de lance, contracté en Bois de lan) pour lesquelles il faut développer le même genre de raisonnement.
L’ensemble de cette sous-unité, qui dans une grande partie d’elle même a conservé plusieurs essences de la forêt primitive, relève donc de la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon intermédiaire et à présence d’éléments relictuels du climax*.
climax : en écologie, le climax est un état théorique dans lequel une communauté végétale a atteint un état d'équilibre stable et durable avec les facteurs édaphiques (liés à la nature du sol) et climatiques du milieu.
Cette sous-unité centrale constitue un secteur topographiquement hétérogène, mais écologiquement unifié par une forte similitude des conditions bioclimatiques. Le périmètre délimité ci-dessus est incontestablement le secteur le plus pluvieux et le plus humide de la presqu’île.
C’est celui qui possède la plus longue vallée confinée et profondément encaissée avec la Rivière de la Pagerie, ainsi que les ravines les plus ombragées par la densité de la végétation et le resserrement du relief au niveau de la Ravine Caverne et de la Ravine Caïmit.
C’est aussi, grâce à l’orientation plein est ou nord-est des vallées et ravines, celui qui bénéficie le plus de l’ascension et de la condensation des masses d’air humides issues de l’Atlantique tropical et venant heurter la masse relativement imposante du Morne Bigot et du Morne La Plaine.
Enfin et surtout la plus grande humidité de l’aire désignée est pleinement confirmée par la présence dans cette dernière d’espèces arborées bio indicatrices mésophiles et même hygro mésophiles qu’on ne rencontre absolument pas dans les autres sous-unités comme Simarouba amara (Bois blanc) ,Ocotea leucoxylon (Laurier fine), Maytenus guianensis (Café grands bois), Lonchocarpus heptaphyllus (Savonnette grands bois), Pouteria martinicensis (Pain d’épices de la Martinique), Pouteria dussiana (Pain d’épices de Duss), d’habitude présents essentiellement en forêt hygrophile submontagnarde.
Dans les espèces herbacées le Balisier : Heliconia caribaea, espèce méso-hygrophile et hygrophile, est relativement commun dans les ravines et sur les pentes sommitales est et nord-est du Morne La Plaine et la Siguine : Dieffenbachia seguine, Aracée typique des zones marécageuses mésophiles et hygrophiles, se rencontre dans les ravines du secteur et même en plusieurs points du Plateau de la Talante.
Cette sous-unité numéro 2 appartient également à la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon intermédiaire et à présence d’éléments relictuels du climax, mais avec des cortèges plus hygrophiles. Le Bois blanc : Simarouba amara, le Laurier fine : Ocotea leucoxylon, le Caconnier rouge : Ormosia monosperma, le Café bois de montagne : Maytenus guianensis n’ont pas, à ce jour, été rencontrés dans la sous-unité 1. Toutefois la véritable forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon supérieur à Bois blanc (Simarouba amara), lauriers (Ocotea leucoxylon, Cinnamomum elongatum), Bois la glue (Sapium caribaeum), Bois rivière (Chimarrhis cymosa), n’est pas représentée dans la presqu’île du sud-ouest.
Cette sous-unité regroupe les espaces extrêmement secs du Morne Réduit, du Morne Yoyo et du morne de Gallochat. Elle se caractérise par son caractère globalement très accidenté, ses sols maigres et rocailleux et surtout par son climat très aride au niveau du littoral et des pentes basses inférieures à 300 m. Le secteur du Cap Salomon est même une des régions les plus sèches de la Martinique avec une pluviométrie annuelle moyenne autour de 1000 mm, analogue à celle du littoral de Bellefontaine sur la côte caraïbe et de l’îlet Cabrit à Sainte-Anne.
Cette aridité détermine des formations végétales tout à fait originales et particulières dans la zone basse inférieure à 200-250 m : entre Cap Salomon et Anse Dufour, sur terrain rocailleux et même parfois sur chaos de blocs andésitiques, forêts basses (8-12 m) décidues à Acacia muricata (Tendre à Caillou), Bursera simaruba (Gommier rouge), Eugenia cordata var. sintenisii (Bois grillé) et sous étage saxicole d’Agave caribaeicola (Agave), d’Anthurium grandifolium (Anthurium à grandes feuilles) et de Broméliacées, notamment Aechmea lingulata (Ananas marron) et Bromelia karatas (Karatas). Entre Anse Noire et Pointe Blanche du Gros Morne Gallochat, en dessous de 200 m, pentes arides et rocailleuses très semblables à celles entre le Cap Salomon et l’Anse Dufour (le Tendre à caillou : Acacia muricata en moins) et même plus inhospitalières encore, souvent recouvertes de simples fourrés de Ti-Baume : Croton niveus, Baume blanc : Croton bixoides, Merisiers : Eugenia cordata var. sintenisii, Myrcia citrifolia entrecoupés d’Agaves et de Broméliacées saxicoles et xérophiles comme Aechmea lingulata et Pitcairnia angustifolia.
Cette sous-unité se différencie en outre par deux autres singularités :
1) la petite enclave de l’Anse Dufour exceptée, par un linéaire côtier totalement sauvage et sans aucune forme d’anthropisation actuelle ou récente jusqu’aux lignes de crête, fait unique dans toute la moitié sud de la Martinique ;
2) par une ravine centrale (Ravine de l’Anse Noire) très profonde et encaissée favorisant une inversion de végétation et l’installation de certaines espèces arborées à tendance mésophile (ou sempervirente saisonnière) et même quelques pieds relictuels d’espèces de l’ancienne forêt primitive (climax) comme l’Acomat franc : Sideroxylon foetidissimum. Cette sous-unité, globalement, relève essentiellement de la forêt semi décidue tropicale, distincte de la forêt sempervirente saisonnière tropicale par sa strate supérieure peu élevée et quasi totalement défeuillée (décidue) en saison sèche.
Ces mornes dessinent un arc de cercle presque parfait au-dessus du littoral de Grande Anse et Petite Anse et des petites plaines étroites qui le prolongent en arrière. Culminant entre 200 et 400 m d’altitude, ils déploient, jusqu’à 50 m d’altitude (à la base du Morne Réduit-Masson), puis 100-150 m (sous le Morne Genty), des pentes fortement déclives et même localement des zones de petites falaises plus ou moins couvertes de végétation. Cet ensemble forme un magnifique et luxuriant amphithéâtre de forêts et de verdure ceinturant Grande Anse d’Arlet et Petite Anse.
Cette sous-unité présente évidemment de fortes affinités avec celle des mornes littoraux hyper secs du Morne Réduit et du Morne Gallochat.
Elle en diffère néanmoins par plusieurs caractères :
La forêt entre le Cap Salomon et l’Anse Dufour entre parfaitement dans le cadre de cette définition avec sa strate supérieure constituée à 80 % de Tendres à caillou : Acacia muricata et de Gommiers rouges : Bursera simaruba, auxquels s’ajoutent en moindre nombre des « Poiriers » des Antilles : Tabebuia heterophylla et des Mapous : Pisonia fragrans. Tous sauf le Mapou entièrement dépouillés de leurs feuilles en saison sèche. La strate inférieure de petits arbres et arbustes est constituée essentiellement de petites Myrtacées sempervirentes : Eugenia cordata var sintenisii : Bois grillé, et Myrcia citrifolia : Merisier. Le Petit Mapou, également sempervirent est aussi très abondant.
La très belle zone boisée établies sur la grande pente ouest du Morne Vent et le versant nord du Morne Genty (notamment dans les vallons et petites ravines au-dessus de la route départementale 7) présente un aspect bien différent avec une strate supérieure dense et luxuriante composée d’un grand nombre d’espèces (entre 15 et 20) dont plus de la moitié est sempervirente ou partiellement sempervirente. Les plus belles forêts de cette sous-unité n° 4 appartiennent par conséquent au type de la forêt sempervirente saisonnière tropicale (UNESCO 1973). Ce sont donc globalement des forêts beaucoup plus diversifiées que celles du Cap Salomon et du Morne Réduit. Cependant, si elles possèdent beaucoup d’espèces arborées de stade secondaire bien développées et formant une belle futaie, elle ne contient pas ou très peu d’espèces et d’individus de l’ancienne forêt primitive. Cette sous-unité relève donc de la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon intermédiaire et à présence très faible ou nulle d’espèces climaciques relictuelles.
Cette sous-unité est la plus méridionale de la presqu’île, et, au niveau du Morne Larcher, la plus excentrée et la plus détachée du corps principal de l’île.
De ce fait, ce Morne est entouré seulement par la mer sur presque tout son pourtour, et ne bénéficie pas, comme le Morne La Plaine, de l’ascension et de la condensation des masses d’air provoquées par des mornes adjacents d’altitude similaire. A altitude égale (400m) le Morne Larcher possède un climat étonnement sec par rapport au morne La Plaine, et le Morne Clochette semble pâtir du même micro climat régional.
La comparaison des groupements végétaux des deux plateaux d’altitude quasi égale (400 m) du morne La Plaine et du replat du Morne Larcher, et surtout celle des pentes (non déboisées) sous ces derniers, est tout à fait démonstrative. En dépit du déboisement et de l’exposition directe à la chaleur du soleil, le plateau du Morne La Plaine présente ici et là des parties humides colonisées par la Siguine : Dieffenbachia seguine, des arbres mésophiles disséminés dans les bosquets relictuels comme le Pois doux poilu : Inga ingoides, le Bois blanc : Simarouba amara, le Mahot grandes feuilles : Cordia sulcata, le Café bois de montagne : Maytenus guianensis. Dans les pentes sommitales est et nord du morne La Plaine on observe des sujets adultes du Pain d’épices : Pouteria dussiana, du Contrevent : Pouteria semecarpifolia, du Balata : Manilkara bidentata, du Savonnette grands bois ; Lonchocarpus heptaphyllus, de l’Olivier grands bois : Buchenavia tetraphylla, du Bois lélé : Quararibea turbinata, du Pomme rose (naturalisé) : Sizigium jambos. Aucune de ces 11 espèces arborées mésophiles n’existe sur le plateau sommital et les pentes supérieures du Morne Larcher. Le Morne Clochette est encore plus sec que le Morne Larcher car beaucoup plus dégradé et d’altitude inférieure.
Bien que soumises à l’un des micros climats les plus secs de la presqu’île (avec la sous-unité Morne Réduit Morne Gallochat), les forêts du Morne Larcher, du moins au-dessus de 200 m d’altitude, ne peuvent être qualifiées de semi décidues tropicales. Elles comportent au-dessus le l’altitude précitée une proportion impressionnante de Bois d’Indes : Pimenta racemosa, essence à 100% sempervirente qui, dans les formations boisées de ce Morne constituent entre le tiers et, vers son sommet, les deux tiers de la strate supérieure. Les autres espèces arborées de strate supérieure sont essentiellement des « Poiriers » : Tabebuia heterophylla, des Bois rouges : Coccoloba swartzii (sempervirent, sauf en saison sèche d’une exceptionnelle sévérité) des Bois savonnettes : Lonchocarpus punctatuset des Mapous : Pisonia fragrans (également sempervirents à 100%) disséminés entre les Bois d’Inde. La structure de la strate supérieure est donc celle de la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire.
Les conditions topographiques et édaphiques extrêmement dures (très forte déclivité générale et forêt presque entièrement établie sur chaos de roches et de blocs andésitiques) réduisent encore la disponibilité en eau utile des plantes et déterminent des groupements nettement xériques (et cependant foisonnants) , surtout au niveau des arbustes et des plantes de sous-bois (nombreuses Broméliacées xérophiles épilithes ou épiphytes : Guzmania lingulata, Aechmea lingulata, Tillandsia utriculata, Pitcairnia angustifolia, abondance de Pipéracées plus ou moins crassulencentes : Peperomia myrtifolia, Peperomia magnolifolia, cactées lianescentes : Hylocereus trigonus. En dépit de ces conditions limitantes la partie supérieure du Morne Larcher, par suite de sa quasi inaccessibilité, a pu préserver jusqu’à aujourd’hui, un certain nombre d’espèces végétales qui faisaient partie des forêts primitives des zones sèches de la Martinique et qui ont disparu partout ailleurs dans l’île (et même dans les autres îles) comme Xylosma buxifolium : Attrape-sot, Ternstroemia pedoncularis : Bois vert, Colubrina elliptica : Bois mabi, ou qui sont devenues excessivement rares comme le Bois noyer : Zanthoxylum flavum ou rares et surtout à très petites populations comme le Petit boui : Sideroxylon obovatum, et le Bois vert : Rochefortia spinosa.
En conclusion une sous-unité profondément originale par ses conditions bioclimatiques et édaphiques très particulières, par l’extraordinaire foisonnement d’épiphytes et d’épilithes de la partie supérieure du Morne (notamment au niveau du petit plateau sous le sommet), par les espèces rares qui y trouvent refuge et par celles qui restent à découvrir car il est certain que ce secteur de la Martinique est grandement sous-exploré botaniquement. Cette sous-unité, dans sa partie Morne Larcher et au-dessus de la courbe de niveau des 250 m peut être définie comme relevant de la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon inférieur et à présence relictuelle d’espèces climaciques.
En-dessous de ce niveau les Bois d’Inde deviennent rares ou disparaissent alors que les Tabebuia heterophylla deviennent surexprimés et la forêt tend vers le type semi-décidu tropical.
La section Morne Clochette de cette sous-unité, de climat quasi similaire mais constituée d’une formation végétale beaucoup plus dégradée dans le passé (coupe à blanc probable jusque vers le niveau 150 m et prélèvements partiels au-dessus), relève simplement, à niveau altitudinal identique, de la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon inférieur et à présence quasi nulle d’espèces climaciques. La partie la plus inférieure est un stade arbustif de cette même formation, haut de 1,5 à 4 m et âgée d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années, dominé par les Crotons guildingii, hircinus, bixoides, les Myrtacées Eugenia cordata var. sintenisii Myrcia citrifolia, les Campêches et le Petit Mapou : Pisonia suborbiculata. Sous ces espèces arbustives se réinstallent la plupart des espèces arborées de la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire évoluée : Bois rouge : Coccoloba swartzii, Prune bord de mer : Cassine xylocarpa, Bois d’Inde : Pimenta racemosa, Bois citron : Maytenus laevigata, Bois chandelle : Amyris elemifera et même Acomat franc : Sideroxylon foetidissimum. Cette partie pré forestière de la couverture végétale est loin d’être sans intérêt et ne doit pas être cyniquement sacrifiée. La dynamique et la potentialité sont excellentes et il suffirait désormais de laisser la nature faire son œuvre pour parvenir en moins d’une cinquantaine d’année, et pratiquement sans dépense d’argent public ou privé, à une belle forêt secondaire de 15-18 m de haut préservant l’unité du paysage, les sols, les ressources hydriques et la fraîcheur.
Depuis une vingtaine d’années s’est développée en Martinique une très importante dispersion de l’habitat. Le versant sud des Mornes Constant et Poirier a connu une évolution s’inscrivant dans ce mouvement général, ni plus, ni moins. Depuis une dizaine d’années une interrogation et une prise de conscience inquiète s’est éveillée chez de nombreux Universitaires, Géographes, Environnementalistes et Scientifiques locaux. L’île n’est pas extensible, le réchauffement climatique est plus qu’une simple menace (voir les terribles ouragans de 2017), les ressources en eau risquent de décroître avec la réduction du manteau forestier, il y a toutes raisons de penser que l’énergie deviendra rapidement plus rare et plus chère.
Alors peut-être faut-il penser que le temps de la dispersion a fait son temps et qu’est venu le temps du regroupement et du recentrement.
Par un hasard extraordinaire (sans doute lié à la structure de la propriété foncière du lieu), un superbe continuum forestier encore inentamé à ce jour descend des hauteurs du Morne Bois Michel jusqu’à Taupinière (et même jusqu’à l’Anse du Céron) en passant par La Joubardière, la Ravine Carole, le Ravin fond Moustique, le point coté 168 m, La Citadelle, la partie terminale de la Ravine Fonds Manoël, l’Anse du Céron et la Pointe Giraud.
On ne soulignera jamais assez l’importance des couloirs écologiques pour la bonne santé et la variété des écosystèmes (ils empruntent le plus souvent des ravines, vallons ou vallées irriguées par des cours d’eau et par conséquent ajoutent aux espèces de terre ferme des espèces riveraines ou vallicoles), pour la protection des torrents et rivières et de leurs berges, pour le maintien et la préservation de la mobilité des espèces animales et végétales et de leurs populations. La mobilité des populations des espèces végétales et animales est en effet une des conditions majeure de leur résilience en cas de destruction partielle ou majeure de leur aire, dans la mesure où elle ouvre des possibilités de reconquête et de recolonisation des milieux.
La protection écologique et foncière des couloirs écologiques est également une nécessité fondamentale dans un pays comme la Martinique, disposant d’un potentiel d’une extraordinaire variété pour la randonnée. Cette dernière est en effet susceptible de devenir, comme à la Réunion et peut-être davantage encore, un atout économique de tout premier plan. Ce potentiel malheureusement est actuellement totalement sous-exploité par manque de vision globale et systémique d’un réseau global bien pensé, avec de multiples connections et des possibilités de couchage en gîtes dortoirs. La sous-unité 6 : Coulée verte Bois Michel, Citadelle, Taupinière, Pointe Giraud est un magnifique exemple d’une totale et parfaite convergence possible entre les intérêts majeurs de la protection écologique de la biodiversité et des paysages d’une part, et ceux de la création d’un réseau de traces de randonnée de haut niveau de qualité, d’efficacité et d’attractivité touristique aussi bien pour les visiteurs de l’île que pour les randonneurs locaux.
Cette coulée verte s’amorce par la pente sud du Morne Bois Michel, incluse en totalité et jusqu’à la Ravine Carole, dans la ZNIEFF 021 du Morne des Pères. Il s’agit d’une forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire typique à « Poiriers », Bois savonnettes, Mapous, Gommiers rouges, Bois rouges, mais localement de belle venue et de bonne potentialité. Elle se prolonge par un secteur fortement accidenté caractérisé par deux ravines encaissées et étroites, (Ravine de la Rivière Carole et Ravin Fond Moustiques) dominées par des pentes très déclives, dont la dernière, la plus longue et la plus au sud, s’élève jusqu’au point coté 168.
Ce petit secteur est peu accessible et sauvage et le fond de la Ravine Carole offre localement des boisements riverains luxuriants et pittoresques grâce à de grands Courbarils : Hymenaea courbaril et Angelins : Andira inermis. Sur l’une des pentes abruptes dominant la rivière de belles formations saxicoles composées d’Anthuriums à grandes feuilles : Anthurium grandifolium, d’Anthuriums à feuilles lancéolées : Anthurium lanceolatum et d’innombrables Hamelias, Hamelia patens à grandes inflorescences scorpioïdes rouge orangé tapissent les rochers. Au-delà du point coté 168 m, la coulée verte descend par plans inclinés successifs jusque vers Citadelle, Bonnes terres et Taupinière. La partie à l’ouest du point 168, de Citadelle et de Bonne terre est la plus accidentée et de ce fait couverte d’une belle forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire à « Poiriers », Gommiers rouges, Bois savonnettes, Mapous, âgée d’au moins 70 ans (le secteur est déjà cartographié comme forêt dans les cartes I.G.N. des années 1970) assez haute et bien architecturée jusqu’en bas, ce qui dans cette partie de l’île est tout à fait exceptionnel. La partie est de la coulée verte, du côté de la Ravine Fonds Manoël est plus hétérogène et partiellement défrichée, mais il serait important de protéger la forêt riveraine qui entoure la rivière du même nom, si possible sur tout son cours et au moins à partir de la D7 et jusqu’à l’embouchure.
En effet, dans cette dernière partie de la rivière, les formations riveraines, bien que sensiblement abîmées par endroits, possèdent néanmoins de très beaux arbres, dont certains devenus rares comme l’Angelin : Andira inermis et extrêmement rares comme le Génipa : Genipa americana. Dans les petits arbres de sous-étage le Bauhinia multinervia : Petit flamboyant blanc, atteint plus de 15 cm de diamètre, taille exceptionnelle pour l’espèce et semble ne plus exister que dans ce secteur et dans une ravine du versant nord du Morne des Pères. Légèrement en aval de la route, était présent entre la décharge et la rivière un exemplaire d’un Coccoloba qui n’avait jamais été signalé pour la Martinique : Coccoloba Krugii. Grâce à de nouvelles photographies des racèmes fructifères (2 à 3 fois plus longs que les feuilles qui sont petites, largement ovales et presque suborbiculaires) une détermination incontestable de l’espèce a pu être effectuée. Le spécimen a peut-être été détruit, mais une toute petite population subsiste dans les hauteurs de la Ravine Carole au niveau de la Joubardière. Enfin, la Myrtacée arborée riveraine ou vallicole : Eugenia oerstedeana, sans nom vernaculaire tant elle est rare en Martinique et dans les autres îles, déploie localement, en aval, d’abondantes populations rivulaires.
Comme presque partout dans la Martinique ancienne, où, sur le versant sous le vent, des chemins rudimentaires reliaient le littoral sec aux zones de culture situées très en hauteur dans les mornes, une petite trace encore visible sur les cartes I.G.N. des années 1960-1970 (mais supprimée dans les éditions ultérieures), reliait la D7 au point coté 171 (devenu point coté 168). Cette trace traversait un espace qui était encore entièrement boisé à l’époque et l’est demeuré. En la rétablissant et en mettant en espace protégé cette coulée verte on gagnerait sur tous les plans à la fois : préservation de la biodiversité, protection des paysages, extension et connectivité très supérieures du réseau de traces de randonnée dans la presqu’île. Une trace relie actuellement Taupinière au Diamant par le littoral, et au-delà, à l’Anse Cafard, au Morne Larcher et même aux Anses d’Arlet. Mais il n’existe actuellement aucune liaison à la ligne des mornes de crête par trace en milieu naturel, ni au versant nord des Trois îlets. En créant une liaison sur une distance très courte entre le point 168 et la Ravine Carole on rejoint rapidement une suite de chemins menant au petit col entre le Morne Constant et le Morne des Pères. De là on accède aux traces de la ligne de crête, ainsi qu’à celle (actuellement encore fonctionnelle) qui redescend vers Mango Fil et les champs de canne des Trois-îlets en passant par Râteau. On ouvre aussi la possibilité d’un grand circuit en boucle de la presqu’île tout entière partagé presque à égalité entre une partie littorale et une partie de montagne.