La Martinique appartient au point chaud de biodiversité des Caraïbes.
Un point chaud ou hot-spot de biodiversité est une zone géographique contenant au moins 1500 espèces végétales endémiques mais qui a déjà perdu au moins 70 % des espèces présentes dans leur état originel.
La surface totale des points chauds ne représente que 2,3 % de la surface de la Terre. A l’heure actuelle, 34 points chauds ont été répertoriés. Plus de 50 % des espèces végétales et 42 % des espèces de vertébrés terrestres vivent dans ces points chauds.
Les îles des Caraïbes, avec leurs deux aires biogéographiques (Grandes Antilles et Petites Antilles), correspondent à l'un de ces points chauds.
Au sein de l'aire biogéographique des Petites Antilles, la Martinique occupe une place prépondérante, elle est l'île qui présente la plus grande biodiversité en espèces arborées indigènes. Elle est également l'île qui présente le plus grand nombre d'espèces arborées endémiques d'une île. Pour les autres espèces arborées endémiques des Petites Antilles, elle partage cet endémisme avec une ou plusieurs îles des Petites Antilles. Elle est donc au cœur de la biodiversité des Petites Antilles. et est talonnée par ses voisines : Sainte-Lucie, La Guadeloupe et La Dominique.
Des hypothèses ont été avancées pour tenter d'expliquer la suprématie des îles du centre de l'archipel, il nous appartient de faire la part des choses en prenant en compte les nouvelles données relatives à l'approche biogéographique de la Caraïbe.
Dans une publication consacrée à la biogéographie et l’insularité des Petites Antilles (C.R. Soc. Biogéogr. 67 (1) : 41-59. 1991) J. Lescure et al. concluent leur étude dans les termes suivants : "Les îles des Petites Antilles, situées au centre d’un arc insulaire unique, d’Aruba à Cuba et vraisemblablement toujours isolées, ont été peuplées par dispersion sur ou au dessus de la mer, à partir du continent sud-américain et des Proto-Grandes Antilles au sens de Coney (1882). Il apparaît qu’une deuxième vague de colonisation plus récente provient du continent sud-américain et monte progressivement vers le nord"… "Souvent, le nombre d’espèces dans les îles des Petites Antilles diminue à mesure qu’on s’éloigne du continent sud-américain ; il est compensé alors par des espèces venant du nord. Les îles du centre n’en sont pas pour autant les plus pauvres car, étant les plus étendues, les plus élevées et les plus diversifiées, elles sont plus riches en espèces, particulièrement en endémiques. Bien que situées sur un arc insulaire unique, les Petites Antilles ont leur propre histoire géologique et sont délimitées par deux barrières biogéographiques : la ligne de Bond au sud et la ligne d’Anegada au nord. Leur faune et leur flore, résultat de vagues de migrations croisées, sont différentes de celles des Grandes Antilles et des Îles sous le vent par leur composition et leurs origines. Pour toutes ces raisons, les Petites Antilles forment, à notre avis, une entité biogéographique distincte des Grandes Antilles."
Pour expliquer la dispersion d’île en île, deux types de migration sur "bois flottés" ont été alors envisagées, la migration par "saut de puce" d’une île à l’autre et la migration par "saut de grenouille" qui permettait d’expliquer des répartitions atypiques, comme celle de l’absence initiale de l’Iguana iguana dans les îles du centre (Martinique, Dominique).
D’une manière générale les modèles géologiques avancés par la plupart des bio géographes pour expliquer la biodiversité des Petites Antilles se trouvent résumés dans la rédaction du livret final qui a été présentée en vue de
l’inscription des Aires volcaniques et forestières de la Martinique au
registre des biens français (pages 58 à 63). Les processus évolutifs et de leur relation avec la géomorphologie sont ainsi présentés :
"L’arc des Petites Antilles n’a jamais été relié au continent américain ni aux Grandes Antilles, géologiquement plus anciennes. Les îles elles-mêmes ou leurs ébauches ancestrales sont apparues isolément dans l’Océan Atlantique et sont depuis longtemps séparées les unes des autres …".
Une telle approche des bio géographes s’est mise place à la suite des travaux de nombreux géologues sur la géodynamique de la Caraïbe qui ont conduit à abandonner totalement la théorie avancée par Spencer en 1902 qui consistait à penser que les Petites Antilles constituaient au Mio-Pliocène un pont continental utilisé comme voie de migration des faunes de mammifères entre les Amériques. Ces îles volcaniques apparues tardivement les unes à côté des autres ne pouvaient en aucune façon permettre de telles migrations.
Il faudra attendre les travaux de Iturralde-Vinent et MacPhee en 1999 pour voir réapparaître l’hypothèse du pont volcanique terrestre qui aurait été émergé durant 1 à 2 Ma au cours de l’Oligocène inférieur entre 35 et 33 Ma. Cette nouvelle hypothèse permet de rendre compte de l’arrivée de vertébrés terrestres du continent sud –américain au niveau des Grandes Antilles via la Ride d’Aves (GAARLANDIA : Great Antilles Aves Ridge land Bridge).
Une telle approche permet aujourd'hui de concilier l’existence d’un pont terrestre constitué d’îles volcaniques et la théorie de la tectonique des plaques qui avait totalement démoli la théorie avancée par Spencer.
Dix neuf ans après la présentation de cette nouvelle théorie qui s’appuie sur un certain nombre de faits d’observation présentés dans l’ouvrage intitulé : Paleogeography of the Caribbean Region : implications for Cenozoic Biogeography paru au Bulletin of the American Museum of naturel history, cette approche, à notre connaissance, n’a pas encore pris sa pleine mesure dans les tentatives d’explication de la colonisation des Petites Antilles par les espèces animales et végétales.
Dans sa publication intitulée ; Caractérisations morphologiques de l’iguane commun, de l’iguane des Petites Antilles et de leur hybrides paru au Bull. Soc. Herp. Fr (2013) 147 309-346 Michel Breuil explique l’arrivée des Iguanes communs au niveau des Saintes au milieu du XIXe siècle par des importations réalisées lors d’échanges de bagnards avec la Guyane. Une telle explication est beaucoup plus rationnelle que "le saut de grenouille" par dessus la Martinique et la Dominique envisagées par Lescure et al . à partir de Sainte Lucie.
Les récents travaux (2011) d’analyse génétique menés par M. Dewynter, K. Pineau, A.Thonnel sur l’Allobates chalcopis, seul dendrobate de la région des Petites Antilles laissent à penser que cette espèce s’est séparée de ses congénères de l’Amazonie et du Plateau des Guyanes il y a environ 10 Ma. A la suite de ces travaux cette espèce perdait son statut d’espèce invasive pour devenir une espèce endémique de la Martinique à part entière. Alors comment expliquer ce formidable "saut de grenouille" ?
Il nous faut donc trouver un modèle de colonisation des Petites Antilles qui puisse répondre à l’ensemble de ces observations et interrogations.
Pour le construire nous allons d’abord faire la synthèse de l’ensemble des données actuellement disponibles sur l'histoire géologique des Petites Antilles et sur l'évolution de la géomorphologie de l'est Caraïbe au cours des temps géologiques. Nous allons ensuite tenter d'établir les possibles relations de causes à effet entre évolution géologique et évolution biologique.
La Martinique présente la singularité d'être constituée de plusieurs petites îles volcaniques qui se sont formées les unes à côté des autres, avant d'être réunies par des ponts volcaniques.
Tout semble commencer au début du Miocène, sur un soubassement volcanique (complexe de base) plus vieux que 24 Ma, l'activité volcanique reprend entre 19 et 18 Ma pour donner des édifices volcaniques qui sont aujourd'hui bien érodés. Les Presqu'îles de Sainte-Anne et de la Caravelle sont alors des îles volcaniques séparées par un canal inter-île.
Le Petit Nègre, volcan éventré exposant des gerbes d'orgues d'andésite, ici photographié, a participé entre autres à la construction de l'île de la Caravelle.
Entre 17 et 7 Ma l'activité volcanique d'abord sous-marine se poursuit plus à l'ouest le long de fissures orientées NW-SE. Une multitude de bouches éruptives se relaient pour déboucher filialement sur la formation de l'Archipel Miocène de Martinique.
Un petit bouquet d'îles se forme dans la région du Vauclin, La Montagne du Vauclin, ici photographiée, en est la figure emblématique. De nouvelles îles émergent plus à l'ouest au niveau de Ducos et de Rivière Pilote.
In fine, avec le fonctionnement de la chaîne fissurale du Morne Pavillon, l'île du Sud-ouest émerge et finit par phagocyter les îles déjà formées. La partie sud de la Martinique commence à prendre corps.
L'activité volcanique se déplace ensuite vers le nord pour former le volcan bouclier du Morne Jacob dont les coulées finissent par atteindre l'île du Sud-ouest. Entre 5,5 et 2,2 Ma, ce volcan a craché de grosses quantités de d'andésite. A lui tout seul, il occupe le tiers de la surface de la Martinique.
Après un longue phase de repos, l'activité volcanique reprend au niveau de la Presqu’île du Sud-ouest entre 3 et 0.035 Ma. Une multitude de petits massifs volcaniques autonomes se relaient au cours du temps pour déboucher sur la formation d'un véritable écrin de petits volcans. Le Morne Larcher, encore appelé "la femme couchée" en est la figure emblématique. Rechercher la silhouette de cette femme, elle se cache dans le paysage.
Vers 1.85 Ma, l'activité volcanique recommence sur les contreforts-ouest du Morne Jacob pour former le complexe du Carbet. Vers 345 000 ans, une déstabilisation de flanc ponctue la vie de ce complexe volcanique. Elle met pratiquement à nu la chambre magmatique et permet la remontée d'une lave riche en silice et relativement froide. Cette lave, qui aurait du poursuivre sa cristallisation en profondeur, arrive en surface et permet l'érection de dômes aux pentes abruptes encore appelés pitons.
Complexe du Mont Conil : 1 - 0,4 Ma
Vers 1 Ma, l'île du Mont Conil émerge au nord de la Martinique, elle en est séparée par un canal inter-île. Son activité volcanique progresse régulièrement vers le sud pour déboucher sur le comblement du canal avec l'émersion de la Montagne Pelée.
Rendue célèbre à travers le monde par sa nuée ardente du 8 mai 1902 qui fit 28 000 victimes, la Montagne Pelée est active depuis 300 000 ans. Aujourd'hui, on pense qu'elle fait partie du complexe du Mont Conil en raison de la forte similitude de la composition chimique des laves.
Ce complexe a connu au cours de son histoire trois importantes déstabilisations de flancs, dont les cicatrices sont observables dans le paysage et dont les dépôts sous-marins ont été carottés et étudiés. La photo ci-dessus montre le point de départ de la dernière déstabilisation de flanc nouvellement datée de 36 000 ans. Le Morne Lénard, qui se trouve au premier plan au sein de cette cicatrice, est un méga-bloc de glissement resté accroché sur le flanc ouest de la Montagne Pelée.
Depuis 24 Ma, en dépit des migrations nord-sud, on assiste à un déplacement continu et régulier de l'activité volcanique de l'est vers l'ouest, cela se traduit par la juxtaposition de trois arcs volcanique :
1) L'arc externe avec le volcanisme ancien de Sainte-Anne et de la Caravelle
2) L'arc intermédiaire avec les chaînes volcaniques Miocène de la Martinique (François/Robert, Vert-Pré, Vauclin/Pitault/Sainte-Marie, Ducos/Rivière-Pilote, chaîne fissurale du Morne Pavillon, Complexe de Trois-Ilets)
3) L'arc externe, avec le volcanisme récent de la côte caraïbe (Presqu'île du Sud-ouest, Complexe du Carbet, Complexe du Mont Conil, Montagne Pelée) .
Une telle disposition se retrouve t elle au niveau des autres îles des Petites Antilles?
Au niveau de la Martinique :
Les trois arcs volcaniques sont présents avec un léger décalage vers l’ouest. Il y a une juxtaposition des formations volcaniques.
Au sud de la Martinique :
Les trois arcs sont présents mais totalement superposés, il y a un entassement des formations volcaniques.
Au nord de la Martinique :
Les arcs volcaniques interne et externe sont totalement dissociés.
L’arc intermédiaire est totalement absent.
Les formations volcaniques de l’Arc externe sont recouvertes de calcaires marin d’âge Miocène.
Les parties émergées de l’Arc interne ont moins de 6 Ma.
Au Miocène, alors que l'activité volcanique se poursuit en Martinique et dans les îles du sud, elle s'arrête dans les îles du nord qui sont par la suite immergées et recouvertes de calcaire. Seul le banc de Saba semble avoir momentanément échappé à cette immersion, avant d'être à son tour immergé au Pliocène.
A la fin du Miocène et avant l'émersion des îles de l'arc interne qui a eu lieu au début du Pliocène (6 Ma), il y avait un véritable désert insulaire au nord de la Martinique. Toute la biodiversité primaire des Petites Antilles se trouve alors concentrée au niveau de l'Archipel Miocène de Martinique, des îles des Petites Antilles situées plus au sud et du banc de Saba resté émergé.
L'ensemble de ces îles ayant échappé à l'immersion constitue l'Arche de Noé des Petites Antilles.
La Martinique est la seule île des Petites Antilles à présenter une juxtaposition de trois arcs volcaniques, ce qui est la conséquence d'un déplacement régulier d'une activité volcanique continue depuis 25 Ma.
En conséquences, contrairement à ce qui s'est produit dans les îles du sud de l'Arche de Noé où la superposition des éruptions volcaniques a du exercer une effet très destructeur sur la biodiversité initiale, la Martinique a conservé sa biodiversité initiale tout en lui offrant de nouvelles îles à conquérir.
Mais en réalité, tout ne commence pas au début du Miocène, les volcans de Sainte-Anne et de la Caravelle s'installent sur les contreforts-ouest de volcans beaucoup plus vieux et aujourd'hui totalement érodés (complexe de base). Une Proto-Martinique existait depuis déjà bien longtemps. Pour bien comprendre l'histoire géologique de la Martinique, il faut la replacer dans son contexte caribéen.
La plaque Caraïbe est délimitée à l'est par la subduction des Petites Antilles, à l'ouest par la subduction d'Amérique Centrale, au nord et au sud par des zones de coulissage.
Elle s'est formée dans l'océan Pacifique et a coulissé comme un tiroir entre les deux Amériques.
Migration du front de subduction-est au cours des temps géologiques
1) Position au Crétacé supérieur (80 Ma)
2) Position au Paléocène moyen (60 Ma)
3) Position à Éocène moyen (44 Ma)
4) Position à l'Oligocène moyen (30 Ma)
5) Position au Miocène moyen (14 Ma)
6) Position au Pliocène inférieur (5 Ma)
7) Position actuelle.
Au Crétacé moyen (90 Ma)
Le Plateau Caraïbe constitué d'une croûte océanique vraie recouverte d'épanchements basaltiques et sous plaquée de gabbros se forme dans l'Océan Pacifique au niveau du point chaud des Galápagos. Sa formation fait suite à celle d'un grand Arc Mésozoïque Caraïbe (AMC) qui fonctionne déjà depuis 120 Ma. Un proto-océan Caraïbe se forme alors entre les deux Amériques.
Dans les schémas qui vont suivre, de façon à mieux comprendre la formation des Petites Antilles, seule la partie centrale de l'AMC sera représentée autour de ses deux composantes majeures : les Grandes Antilles et la Ride d’Avés.
Au Cétacé supérieur (80 Ma)
Alors que s'ouvre l'Atlantique, le subduction de l'AMC donne naissance aux Grandes Antilles dans la région nord et à la Ride d’Avés dans la région sud.
La partie sud de l'AMC rentre en collision avec la croûte continentale d'Amérique du sud pour former une chaîne de montagne littorale et l'archipel des îles sous le vent.
Par souci de simplification, les phénomènes se déroulant sur la frange nord de l'Amérique du Sud ne seront pas représentés dans les croquis suivants.
Seul le devenir des Grandes Antilles et de la Ride d'Avés sera suivi.
A la limite Crétacé-Paléocène (65 Ma)
La subduction Pacifique est initiée, l'arc d'Amérique Centrale (non représenté) commence à se former.
On a aujourd'hui de bonnes raisons de penser qu'à cette époque que la Ride d’Avés constituait un pont terrestre qui réunissait les Grandes Antilles au continent Sud Américain.
Au début du Paléocène, l'activité volcanique cesse au niveau de la Ride d’Avés. Une fracture longitudinale scinde alors cette ride en deux arcs séparés par le Bassin de Grenade en cours de formation. Ces arcs s’écartent à la manière d'un compas autour d'un point fixe situé au nord, au niveau du Banc de Saba.
A l'Éocène (44 Ma).
Cuba vient buter contre la Plateforme des Bahamas. Dans la zone de contact, la subduction s'arrête et des failles permettant le coulissage du Plateau Caraïbe prennent le relai.
Il y a un arrêt définitif de l'activité volcanique au niveau des Grandes Antilles.
La frange-ouest de la Ride d'Avés n'est plus alimentée par le volcanisme, elle devient plus de plus en plus froide et dense. Elle s'enfonce donc progressivement sous l'action de son propre poids. Des récifs coralliens témoins de l'émersion passée sont retrouvés actuellement à 1 500 mètres de profondeur.
La subduction reprend au niveau de la frange-est donnant ainsi naissance au volcanisme des Petites Antilles.
Au début du Miocène (25 Ma)
La Ride flottable du Tiburon (TR) rentre dans le plan de subduction. L'arrivée de cette bande de hauts reliefs sous marins de faible densité dans le plan de subduction entraîne un blocage de la subduction et un arrêt de l'activité volcanique dans la partie nord de l'Arc externe (Ae), alors qu'elle se poursuit dans la partie sud (Arc intermédiaire). La TR est suivie d'une seconde ride (BR) ; la Ride du Barracuda.
Des factures se forment dans la zone de contact entre les Petites Antilles et les îles Vierges. Les Petites Antilles se séparent par coulissage des Grandes Antilles avec la formation de la Fosse d'Anegada.
Au début du Pliocène, l'activité volcanique reprend dans la partie nord des Petites Antilles avec la formation l'Arc interne (Ai). Elle se poursuit actuellement sur toute la frange caraïbe du nord au sud.
La Martinique offre une belle synthèse de l'histoire géologique de l'est Caraïbe.
Depuis le début de l’Éocène (44 Ma) des arcs volcaniques se sont relayés au cours du temps sur un soubassement correspondant à des formations de l'Arc Mésozoïque Caraïbe qui a fonctionné sur une période comprise entre 120 Ma et 65 Ma. Si l'on prend en compte ce passé volcanique, l'arc des Petites Antilles serait le plus vieil arc volcanique actif du monde.
D'une manière générale, à l'instar de ce qui s'est passé pour les autres segments de l'AMC, les arcs volcaniques ont une durée de vie relativement brève, le plus souvent ils rentrent rapidement en collision avec des marges continentales et participent ainsi à la construction de la croûte continentale. Le segment de l'arc des Petites Antilles a échappé à ce sort et poursuit actuellement son activité. Pour combien de temps encore ?
Dans le coupe synthétique et hypothétique ci-dessous, par souci de simplification, les modifications du socle liées aux différentes remontées magmatiques ne sont pas représentées.
Au sein du hot spot de biodiversité des Petites Antilles, la Martinique apparait comme étant l’île présentant la plus grande biodiversité en espèces arborées autochtones.
Elle est la plus riche en espèces arborées endémiques d’une île, la plus riche en espèces arborées endémiques partagées avec les autres îles des Petites Antilles, la plus riche en espèces arborées endémiques partagées avec les Grandes Antilles.
Elle est donc au cœur de la biodiversité des Petites Antilles.
Une telle richesse ne peut être le fruit du « hasard de sauts de grenouille », s'il en avait été ainsi, la Martinique se serait comportée par le passé comme ayant été un véritable aimant d'attraction de biodiversité.
Recherchons des indices qui pourraient nous permettre d’avancer des propositions explicatives plus rationnelles.
PA : Petites Antilles ; ANG : Anguilla ; SM : Saint-Martin ; SB : Saint-Barthélemy ; STK : St-Kitts ; NEV : Nevis ; BRBD : Barbude ; ANTG : Antigua ; MSRT : Montserrat ; G : Guadeloupe ; DR : La Désirade ; MG : Marie-Galante ; ST : Les Saintes ; DMQ : La Dominique ; MA : La Martinique ; STL : Sainte-Lucie ; STV : Saint-Vincent ; GRDN : Les Grenadines ; GRD : Grenade ; BRB : Barbade.
Cette liste intègre toutes les espèces arborées endémiques des Petites Antilles présentes dans la Presqu'île du Sud-ouest. Cette distribution est la synthèse maximaliste des distributions proposées par J. Fournet, B. Rollet et R. Graveson dans leurs flores.
A l’instar de ce qui a été constaté pour la Martinique dans sa
globalité, la Presqu’île du Sud-ouest comporte de nombreuses espèces endémiques des Petites Antilles non présentes dans les autres îles des Petites Antilles
pour ces mêmes étages de végétation.
Parmi les îles restées émergées au Miocène, les îles du sud (Grenade, Grenadines), sont de loin les plus pauvres, ce qui exclut tout approvisionnement de la Martinique par saut de puce à partir du continent Sud-américain par l'intermédiaire de ces îles. Seule Sainte-Lucie semble avoir bénéficié de conditions favorables à l'approvisionnement et/ou à la diversification de sa biodiversité comparables à celles de la Martinique.
Ces faits montrent que la Presqu’île du Sud-ouest est au cœur de la
biodiversité en espèces arborées endémiques des étages xéro-mésophiles
des Petites Antilles.
La quasi totalité de ces espèces ont une origine sud-américaine, pour expliquer cette singularité, il faudra rechercher d'autres voies de migration que celles qui existent aujourd'hui.
GA : Grandes Antilles ; PA : Petites Antilles ; ANG : Anguilla ; SM : Saint-Martin ; SB : Saint-Barthélemy ; STK : St-Kitts ; NEV : Nevis ; BRBD : Barbude ; ANTG : Antigua ; MSRT : Montserrat ; G : Guadeloupe ; DR : La Désirade ; MG : Marie-Galante ; ST : Les Saintes ; DMQ : La Dominique ; MA : La Martinique ; STL : Sainte-Lucie ; STV : Saint-Vincent ; GRDN : Les Grenadines ; GRD : Grenade ; BRB : Barbade.
Bien que plus éloignée des Grandes Antilles que les îles du nord, la Presqu'île du Sud-ouest héberge des espèces arborées antillaises non présentes dans ces îles.
L'évolution des distributions constatées dans les tableaux 1 et 2 peuvent dans un premier temps être
interprétées comme étant le résultat de migrations par saut de puce de moins en moins poussées vers le sud à partir des Grandes Antilles.
Pour les espèces figurant dans le tableau 3, il y a une nette coupure dans l'aire de distribution au niveau des îles du nord. La répartition se fait autour de la Martinique qui semble avoir été également un centre de distribution des espèces endémiques antillaises. Ceci implique qu'elle ait préalablement reçu ces espèces des Grandes Antilles, par d'autres voies que celles qui existent aujourd'hui, avant de les partager avec les îles se trouvant dans sa périphérie.
Ces faits montrent que, bien qu’elle soit plus éloignée des Grandes Antilles que les grandes îles du nord (Guadeloupe, Dominique) la Presqu’île du Sud-ouest a eu par le passé des échanges privilégiés en direct avec les Grandes Antilles.
Ces échanges ont du se faire par intermédiaire de l'Arc externe avant l'immersion des îles du nord qui a effacé toute mémoire vivante de cette connexion passée.
Des ossements et des dents d'un "rat géant" Amblyrhiza inundata ont été trouvés dans des formations sédimentaires des îles de Saint-Barthélemy, Saint Martin et d'Anguille.
Cette espèce a été décrite par le paléontologue E.D. Cope à partir de restes fossiles découverts au XIXe siècle lors de l'exploitation des phosphates contenus dans les grottes d'Anguilla et de Saint-Martin. On estime que le poids de cet animal était compris entre 50 et 200 kg,
Les fossiles découverts sur l'île d'Anguilla ont été rapportés à la dernière période interglaciaire tandis que les découvertes récentes réalisées à l’îlet Coco (Saint-Barthélemy) sont datés de 500 000 ans. Ces îles ont très probablement été réalimentés après leur émersion à partir du banc de Saba qui était resté hors d'eau avant de disparaître à son tour.
Ce rongeur originaire du continent Sud-américain ressemble à ceux qui ont peuplé les Grandes Antilles et qui ont pu gagner les Grandes Antilles en passant par la Ride d'Avès. Cette ride a très probablement constitué un pont terrestre entre les Grandes Antilles et l'Amérique du sud avant d'être totalement immergée.
La présence de ces fossiles sur les îles du nord de l'arc ancien permet d'émettre l'hypothèse d'une connexion territoriale entre les Grandes Antilles, l'arc ancien externe des Petites Antilles, la Ride d'Avés et l'Amérique du sud.
Les Caraïbes antillaises ont été l’objet d’une exploration en profondeur pendant 48 jours, du 6 mai au 25 juin 2017, lors de la campagne océanographique GARAnti à bord de L’Atalante. Cette mission avait pour objectif de vérifier l’hypothèse émise par les paléontologues, que d’anciennes terres émergées et reliées entre elles auraient facilité la migration de faunes venues de l’Amérique du Sud au travers de l’océan ouvert des Caraïbes. De nombreux récifs ont, par exemple, été cartographiés et échantillonnés. Des récifs coralliens témoins de l’émersion passée vers 35 millions d'années ont été retrouvés par 1 500 mètres de fond sur le flanc-est de la Ride d’Avés. L’examen approfondi des données sismiques devrait permettre de préciser et d’étendre le cas échéant ces observations à toute la zone explorée.
Ces premiers résultats tendent à valider l’hypothèse de cette connexion territoriale par le passé.
Cette espèce
endémique des Petites Antilles est présente à la Martinique, à
Saint-Vincent et aux Grenadines.
De nombreuses variations de phénotypes
s'observent au niveau de la population des Mabouyas de Martinique, Les
individus de la Presqu'île du Sud-ouest ne présentent pas d'ocelles
(tache blanche en arrière de la tête). Ils constituent une
sous-population que certains auteurs érigent en sous-espèce.
L'étude
comparative du code bar de l'ADN de différents individus prélevés dans
différentes régions de la Martinique, de Saint-Vincent et des Grenadines
permet de construire l'arbre phylogénétique de l'espèce. Cet arbre peut
être assimilé à un arbre généalogique retraçant l'évolution de l'espèce
au cours des temps géologiques (chronogramme). Cette étude révèle que les individus
peuplant le sud-est et le sud-ouest de la Martinique ont une ancêtre
commun qui vivait il y a environ 8 Ma. La séparation est consécutive à
l'émersion de l'île du sud-ouest et la colonisation s'est faite à partir
de la population qui vivait sur l'île de Sainte-Anne. Chaque sous-population
évolue alors de manière différente en raison de cet isolement
géographique.
Vers 5 Ma, les îles de Saint-Vincent et des Grenadines ont
été ensemencées par des individus issus de la population du Sud-ouest.
L'archipel Miocène de Martinique apparait alors comme ayant été le berceau de la biodiversité des Sphaerodactylus vincenti des Petites Antilles.
La Martinique possède cinq espèces de Sloanea, trois sont endémiques des Petites Antilles dont une de la Martinique (Sloanea dussii)
Les Sloanea antillaises
Sloanea dussii
Chronogramme basé sur l’inférence bayésienne réalisée sur le concaténât des séquences ITS1 et ITS2. Les valeurs des nœuds sont les valeurs de probabilités à posteriori et reflètent la robustesse de ceux-ci.
La racine est en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange. (C. Boucher, A. Rousteau, 2009)
Chronogramme basé sur l’inférence bayésienne de trnC-trnF. Le chronogramme montre les dates de divergence des différents taxons (accompagné des valeurs de probabilité à posteriori pour les nœuds) . Les racines sont en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange. (C. Boucher, A. Rousteau, 2009)
L'étude de l'arbre phylogénétique des Sloanea des Petites Antilles montre que les espèces endémiques des Petites Antilles apparaissent au début du Miocène, donc au niveau de l'Arche de Noé des Petites Antilles.
Une de ces espèces est endémique de la Martinique, on a donc de bonnes raisons de penser que cette diversification a eu lieu au niveau de l'Archipel Miocène de Martinique. Compte tenu des conditions bioclimatiques du développement de cette espèce, si elles n'ont pas changées au cours du temps, il faut donc admettre que cet archipel possédait des montagnes assez hautes pour permettre le développement d'une forêt hygrophile.
On peut donc penser qu'à la fin du Miocène, la lente érosion de ces hauts sommets non rajeunis par l'activité volcanique, a par la suite placé ces populations dans des conditions de sécheresse de plus en plus poussées. Les populations ont du s’adapter ou disparaître. Cette modification des conditions bioclimatiques a certainement été à l'origine de l'apparition de l'espèce endémique de la Martinique par sélection naturelle. L'adaptation consiste à réduire sa surface foliaire dans le but de réduire la surface d'évapotranspiration pendant une saison sèche extrême et de faire ainsi des économies d'eau.L'Allobates chalcopis est le seul batracien dendrobate des Antilles. On le trouve sur les contreforts de de la Montagne Pelée. Il a d'abord été considéré comme étant une espèce invasive, avant que l'analyse génétique ne l'érige au statut d'espèce endémique de la Martinique.
Les récents travaux (2011) d’analyse génétique menés par M. Dewynter, K. Pineau, A.Thonnel sur l’Allobates chalcopis, laissent à penser que cette espèce s’est séparée de ses congénères de l’Amazonie et du Plateau des Guyanes il y a environ 10 Ma.
L'étude de l’arbre phylogénétique montre que la filiation de chalcopis est plus forte avec trilineatus (Pérou, Colombie) et sp de la province de l’Acre (Brésil) qu’avec sp. de Guyane. L’origine colombienne de ce taxon semble donc plus probable que l'origine guyanaise. Il faudrait donc envisager un itinéraire de migration situé plus à l'ouest, autre que la voie maritime sur bois flottés à partir du plateau des Guyanes pour expliquer une telle migration.
Cette espèce endémique de la Martinique est aujourd'hui présente sur les contreforts de la Montagne Pelée. Son arrivée en Martinique remonte à 10 Ma, alors que la Montagne Pelée n'a que 300 000 ans. De toute évidence, elle a du transiter par la Presqu'île du Sud-ouest qui devait à l'époque posséder des massifs volcaniques ayant des écosystèmes comparables à ceux de la Montagne Pelée. Sa présence doit être activement recherchée sur les flancs du Morne Jacob qui a du servir de relai vers la Montagne Pelée
Pour expliquer une telle migration, l'hypothèse d'une communication terrestre via la Ride d'Avés au Miocène moyen peut être avancée et ne demande qu'à être éprouvée par l'étude des fragments de récifs coralliens prélevés par dragage sur le flanc-est de cette ride.
Cette analyse s’appuie sur l’article publié dans Nature 477 , 587-591 (29 Septembre 2011) doi: 10.1038 / nature 10390 Jessica Alföldi , Federica Di Palma , Manfred Grabherr , Christina Williams , Lesheng Kong, Evan Mauceli , Pamela Russell , Craig B. Lowe , Richard E. Glor , Jacob D. Jaffe , David A. Ray , Stéphane Boissinot , Andrew M. Shedlock , Christopher Botka , Todd A. Castoe ,John K. Colbourne , Matthew K. Fujita , Ricardo Godinez Moreno , Boudewijn F. dix Hallers, David Haussler , Andreas Heger , David Heiman , Daniel E. Janes , Jeremy Johnson ,Pieter J. de Jong et al.
Les Petites Antilles sont colonisées par deux séries d'Anolis, au nord la série des marmoratus que l'on retrouve à la Guadeloupe, au sud la série des roquet que l'on retrouve à la Martinique .
Cet arbre simplifié fait ressortir de manière précise l’origine de ces deux séries d’Anolis.
La série des roquet s’est séparée très tôt des Anolis qui ont peuplé les Grandes Antilles et le nord des Petites Antilles. La colonisation des Petites Antilles par les roquet s'est faite à partir de l'Amérique du sud, avec une remontée progressive vers la Martinique par saut de puce.
La série des Anolis marmoratus vient des Grandes Antilles et très probablement de Porto Rico. Cette colonisation s’est faite progressivement du nord vers le sud par saut de puce.
Cette étude prouve l'existence de deux voies de migrations récentes par saut de puce d'île en île, la voie nord à partir des Grandes Antilles et la voie sud à partir de l'Amérique du sud.
L'ensemble de ces études permettent de proposer au moins trois voies de migration pour expliquer la colonisation de la Martinique à partir de l'Amérique du sud.
Ces voies se sont relayées au cours du temps pour déboucher sur des populations animales et végétales dont la composition exprime la synthèse de cette histoire géologique.
GALAARLANDIA : Great Antilles Lesser Antilles Aves Ridge land Bridge
D’après A. Iturralde-Vinent et R.D.E. Mac Phee modifié dans la région des Petites Antilles pour expliquer l'arrivée simultanée des espèces ayant colonisé les Grandes Antilles et l'arc externe des Petites Antilles.
L’existence de ce pont est aujourd'hui confirmée par la paléontologie.
La glaciation de l’antarctique conjuguée aux effets de la tectonique compressive a provoqué l’émersion de la Ride d’Avés qui a alors formé un pont reliant les Antilles à l’Amérique du sud.
Dans le cadre de cette hypothèse, les espèces endémiques antillaises dont l'aire de répartition dans les Petites Antilles est limitée à la Martinique ou à son voisinage immédiat devraient changer de statut.
A l'instar de ce qui s'est passé pour la requalification de l'Allobates Chalcopis comme espèce endémique de Martinique, avec une séparation beaucoup plus vieille remontant à 33 Ma, ces espèces devraient être érigées en espèces endémiques des Petites Antilles, voire de Martinique dans le cas de Lonchocarpus roseus, Lysiloma ambigua, Erythroxylon brevipes ? Zizyphus reticulata ? Il en de même pour une espèce de la forêt hygrophile : Ocotea foeniculacea qui se retrouve à Cuba et Porto Rico et n'est présente qu'en Martinique. L'analyse génétique permettra de se prononcer sur la réalité de cette spéciation.
Pour certaines des espèces antillaises présentes de manière continue entre la Martinique et les Grandes Antilles, l'analyse génétique permettra aussi de se prononcer sur la probable existence de deux deux bassins initiaux de distribution, l'un à partir de la Martinique, l'autre à partir des Grandes Antilles.
LAARLANDIA : Lesser Antilles Aves Ridge land Bridge;
D’après A. Iturralde-Vinent et R.D.E. Mac Phee modifié dans la région des Petites Antilles pour expliquer l'arrivée des espèces endémiques des Petites Antilles.
L’existence de ce pont reste hypothétique et peut être éprouvée par la datation des coraux de la Ride d’Avés.
Une nouvelle glaciation conjuguée aux nouvelles contraintes tectoniques du Miocène moyen a pu provoquer une nouvelle émersion totale ou partielle de la Ride d’Avés désormais séparée des Grandes Antilles par le Passage d’Anegada.
Des échanges de taxons ont pu alors se faire avec l'Amérique du sud via la Ride d’Avés, le Banc de Saba, le banc d'Anguille et les îles soulevées situées au nord de la Martinique.
Cette proposition rend compte de l'existence de deux bassins d'alimentation de la biodiversité des Petites Antilles.
La voie 1 a probablement permis l'arrivée des espèces issues de la côte-est du continent sud-américain, elle passe par la Chaîne Caraïbe, chaîne de montagne qui s'est formée lors de la collision entre la Plaque Caraïbe et l'Amérique du sud.
La voie 2 aurait mis en communication le Plateau des Guyanes et le LAARLANDIA par intermédiaire de Trinadad et Tobago.
Une telle proposition permet de porter des réponses satisfaisantes à la présence "d'espèces endémiques des Petites Antilles" dans certaines îles sous le vent, à Trinidad et Tobago et sur le Plateau des Guyanes.
Les migrations se seraient alors faites dans les deux sens.
Une telle approche soumise à l'épreuve de l'analyse génétique permettra de porter des réponses satisfaisantes aux débats qui animent la communauté scientifique sur les limites de "l'endémisme des Petites Antilles et des Grandes Antilles"
Pour certains auteurs, beaucoup de ces espèces perdraient leur label d'espèces endémiques en raison de leur présence sur d'autres territoires. Si la séparation définitive s'est effectivement faite au Miocène, comme cela a été démontré pour les Sloanea sp. de Guyane (C. Boucher, A. Rousteau, 2009), le label d'espèce endémique des Petites Antilles ne peut alors souffrir d'aucune contestation.
La voie nord se fait au travers du Passage d’Anegada et permet l’arrivée de taxons provenant des Grandes Antilles et d'Amérique du sud via l’Isthme du Panama, les voies sud franchissent la ligne de Bond en passant ou pas par Trinidad et Tobago et permet l’arrivée de taxons issus directement du nord de l’Amérique du sud. Cette migration se fait d'île en île par saut de puce. Elle a pu être véhiculée par les cyclones et les bois flottés.
Les nombreuses déstabilisations de flanc qui ont émaillées l'histoire des volcans des Petites Antilles depuis 6 Ma ont très largement contribué à ces échanges.
La Martinique, île archipel, résume bien les grandes étapes de l’évolution géologique de l’est caraïbe.
Elle a été construite par le fonctionnement de plusieurs arcs volcaniques qui se sont déplacés et relayés au cours du temps. Elle est la seule île de la région à exposer à sa surface de manière éclatée une histoire vieille de plus de 25 Ma sur un soubassement volcanique vieux de 120 Ma.
Au cours de cette longue histoire de l'est Caraïbe, les îles volcaniques formées au niveau des arcs n’ont eu de cesse de jouer au yoyo, avec des phases d’émersion suivies de phases d’immersion effaçant toute trace de biodiversité terrestre passée.
Ces soulèvements ont été si importants que ces îles ont parfois formé de véritables ponts reliés au continent sud américain amenant ainsi des vagues d’essaimage de la biodiversité sud-américaine.
Tout au long de cette histoire, certaines de ces îles ont toujours gardé la tête hors d’eau. L’isolement géographique ainsi réalisé a été le principal moteur d’une spéciation conduisant à un endémisme exceptionnel. Ces îles se répartissent en deux groupes, les Grandes Antilles au nord et les petites îles de l’Arche de Noé au sud.
L’étude de la biodiversité actuelle laisse donc à penser que le territoire correspondant à ces îles de l’Arche de Noé anciennement connectées à l’Amérique du sud, se limite à l’Archipel Miocène de la Martinique et à Sainte-Lucie. Contrairement à ce qui s’est passé pour les Grandes Antilles définitivement isolées depuis la fin de l’Oligocène (33 Ma), cet archipel a de nouveau été réalimenté par des vagues successives de biodiversité venant directement d’Amérique du sud.
Compte tenu de la faible représentation de cette biodiversité dans les
autres îles du sud, on peut penser que leur territoire n'ont pas été connectés
au LAARLANDIA. La différence entre la Martinique et Sainte-Lucie trouverait alors son explication dans le fonctionnement de l'Arc intermédiaire. A Sainte-Lucie, la superposition des formations volcaniques aurait exercé un effet destructeur sur la biodiversité initiale et limité la spéciation par isolement géographique (absence d'archipel).
Au niveau de l'Archipel Miocène de Martinique, cette biodiversité exceptionnelle s’est trouvée concentrée sur un très petit territoire constitué de petites îles très proches les unes des autres. Isolement géographique, dispersion et spéciation ont renforcé le caractère explosif de cette biodiversité primaire et aboutissent ainsi sur des ratios biodiversité/surface tout à fait exceptionnels.
La Presqu’île du Sud-ouest, figure emblématique de cet Archipel Miocène, véritable concentré de cette biodiversité primaire a su garder encore aujourd'hui - pour combien de temps encore - des témoins vivants de cette histoire exceptionnelle.
A ce titre, elle doit absolument être protégée et valorisée.